Le Jeune homme et la mort

Le Jeune homme et la mort – FIN

Moins proche de la terre nourricière. Que je te la snobe ! C'est simplement un fait physique, anatomique qui est à l'origine de toutes ces conneries humaines. On se redresse et on veut péter plus haut que son cul. On ne peut pas venir de là, du champ de patate, mais plutôt de là-haut. A quatre pattes, on se renifle le cul, on ne se tire pas par les cheveux pour se faire plus grand.

Le Jeune homme et la mort, chapitres 31, 32 et 33

Une bande d'hédonistes impuissants et frigides qui venaient larmoyer sur la laideur du monde dans ce réduit poussiéreux en prenant des poses aristocratiques. Du maniérisme, de l'art pompier. Rien à branler de la poésie, si c'étaient ceux-là qui en maintenaient la flamme. Il avait envie de sauter à pieds joints sur les tables en criant « Merdre ».

Le Jeune homme et la mort – chapitres, 28, 29 et 30

La fille était magnifique dans sa courte jupe en daim. Elle s'était assise sur un banc de la terrasse de la Jugendherberge et croisait les jambes de manière à mettre leur beauté en évidence. Elle s'offrait. Elle venait s'offrir au premier français qui l'aborderait. Joubert croisa son regard un instant. Elle ne détournait pas les yeux. C'est le jeune homme qui les baissa, troublé, tremblant déjà. Bon dieu, ce qu'elle était belle ! Il lui suffisait de faire quelques pas, d'aller s'asseoir à ses côtés et il pourrait bientôt caresser ses sublimes cuisses.

Le Jeune homme et la mort – chapitres, 25, 26 et 27

L'absolu. Le désir se permettait d'exiger que l'on réveillât le dragon, de croire que l'on pouvait chevaucher sur son souffle au-dessus du vide. Le désir, c'était déjà jouir, désirer vraiment c'était avoir déjà conquis, avoir ravi, posséder l'objet de son désir. Tu n'obtiendrais que ce que tu veux vraiment dans la vie, que ce que tu désires avec force, dans l'absence de doute. Avoir déjà ravi et ne jamais ravir vraiment. Il suffisait que l'objet de son désir se donnât, cela lui suffisait, l’objet de son désir se donne, alors pourquoi prendre ? Pourquoi apaiser le désir quand il s'agit de désirer sans fin ?

Le Jeune homme et la mort, chapitres 22, 23 et 24

C'était lors d'un dimanche semblable à celui-ci qu'il avait croisé pour la première fois toute la famille qui déambulait autour du Lac des Ibis. Il s'en souvenait comme d'une apparition. Les jumelles dans leur splendeur juvénile. A en oublier le père qui était tout de même le personnage principal. Il était tout de suite tombé amoureux des deux filles.

Le Jeune homme et la mort – chapitres 19, 20 et 21

Ce mot de terroriste. Joubert voyait un individu, décidé, une bombe à la main. Comment lui, si pacifiste, si doux, si gentil... terroriste. « Terroriste ! » Parce qu'il avait découvert un trésor et que jamais il ne pourrait y puiser, pensait-il, lui qui se débattait dans le manque de vocabulaire et pataugeait dans l'erreur de syntaxe. Il découvrait que sa propre langue était une langue étrangère. Étranger à sa langue, exilé dans sa langue. Il y séjournerait en clandestin, on ne lui accorderait jamais qu'un précaire droit d'asile, tout au mieux.

Le Jeune homme et la mort – chapitres 16, 17 et 18

Joubert se sentit soudain d'une force incommensurable. Invincible. Il eut envie de se mettre nu, de se laisser pénétrer par les éléments. Mordre la terre, saisir le vent, s'accoupler à la foudre, boire les océans.

Le Jeune homme et la mort – chapitres 13, 14 et 15

Joubert avait compris que nul poème, nul roman, nul œuvre ne pourrait lui permettre d'atteindre la beauté extatique qui parfois sans prévenir s'emparait de son âme. Mais, ne lui dites pas que c'était Dieu qui s'emparait de lui, il n'en aurait jamais convenu.

Le Jeune homme et la mort – chapitres 10, 11 et 12

Joubert voulait offrir aux pauvres ce qu'ils ne pouvaient pas eux-mêmes désirer, ce dont ils se détournaient. Joubert ne pouvait être qu'un charlatan aux yeux des pauvres parce que ce qu'il voulait offrir, il ne le possédait pas. Un escroc, le jeune homme n'était rien moins qu'un escroc. Un escroc de l'Histoire.

Le Jeune homme et la mort – chapitres 7,8 et 9

Joubert était à la recherche d'autres âmes. Sa vanité à lui. Pourtant, il vous aurait dit qu'il ne croyait pas en ce Dieu. Mais il lui tournait autour depuis des années. Il pouvait citer Christ, s'appuyer sur ses paroles. Jamais il n'aurait prononcé le mot âme. Ou alors dans le silence de son être, pour lui-même, parce qu'il n'aurait pas su définir ce qu'elle était.

Le Jeune homme et la mort – chapitres 4,5 et 6

Il avait cherché la vraie vie pendant toutes ces années. L'amour, la communion avec d'autres êtres. L'amour. Cette chose presque inconnue de lui, qui était même moins qu'un nom jusqu'à ce qu'il ait dix ou onze ans.

Le Jeune homme et la mort – chapitre 1 à 3

La défaite d'un adolescent vient de ce qu'il se laisse persuader de sa misère. François Mauriac
Un feuilleton de Pierre Toré