« Je me retrouve dans ce groupe d’imperturbables »

« Le fait que la pensée conspirationniste intègre une dimension critique n'implique pas qu'à l'inverse la pensée critique puisse être vue comme conspirationniste. Brouiller la frontière entre les deux, c'est vouloir disqualifier toute tentative de questionnement de l'ordre des choses ». Didier Fassin

Une humaine à Marly-Le-Roi, juillet 2021-mars 2022

Longtemps je me suis imaginée être seule au monde. Le bruit de France Inter me rappelait tous les matins que je faisais partie d’une « frange minoritaire » de la population. Complotiste, dangereuse, égoïste, irresponsable, bombe à retardement. Les regards de travers dans le RER, pour un masque tombant sous mon nez, je me sens comme un sous-marin, les lunettes embuées, les narines meurtries par mon dernier test AntiG. Un matin de décembre, je regarde mes voisins de la rame de train. Je me sens seule. Depuis juillet, ma conscience se balade dans les halots de mes souvenirs. Mon adolescence dans la Tunisie de Ben Ali. La dictature, c’est la fin de la pensée, l’auto-censure intérieure. Je me souviens de cet état d’ultra vigilance, la surveillance, la paranoïa, la délation, un étouffement de peur. Un regard, le ton de la voix, un mot critique, c’est la peur qui s’insinue en soi. On s’interdit de penser, on se refuse à considérer la souffrance, la sienne, celle de son voisin. Tout va bien de peur que cela aille plus mal. Pas de place sociale pour la nuance ou la critique. Je pense à ma grand-mère, Yvette, qui a vécu la guerre de 39-45, élevant seule ses deux enfants, son mari, Abdou, en prison pour indépendantisme. Je pense à son père, Roger, collabo. Flash-back, je revois la série Un village français. L’enseignante en moi, se hérisse aux comparaisons hâtives. Bar, restaurants, musées, trains, piscines … un malaise sourd monte en moi. Non, la France d’aujourd’hui n’est ni la France de Vichy, ni la dictature tunisienne. Pourtant, une résonnance dans mes tréfonds fait le rapprochement, presque à mon insu. Je suis payée par l’Etat Français pour transmettre une méthode, la nuance, la pensée critique. Pourtant, le monde de l’enseignement est entré en silence.

Non, la raison d’Etat ne me soumettra pas

Depuis le 5 août 2021, je vis l’exclusion des musées, des cinémas, des bars, des restaurants, des piscines. Je suis un boulet pour les amis ou les collègues qui adhèrent sans moufter à ce système sanitaire. Mon autorité parentale bafouée, je cherche mon carnet de vaccination qui me suit depuis ma naissance. J’observe la dizaine de tampons de vaccins qui ornent ce petit carnet. Suis-je anti-vaccination ? Mes parents ne l’étaient pas. Je suis ultra vaccinée. Tétanos, polyo, diphtérie, ROR, malaria …. Le souvenir de la pédiatre de mon fils, rencontrée alors qu’il avait deux mois, remonte à la surface. Nous discutons de la nécessité de lui administrer ou non les 8 vaccins obligatoires pour l’entrée en crèche. Elle me dit : « cela fait beaucoup pour un si petit corps ». Mon intention était de l’allaiter le plus longtemps possible. Je voulais lui faire ce cadeau d’une immunité forte pour sa vie. J’ai lu beaucoup d’ouvrages sur l’immunité naturelle, à cette époque-là et j’ai fait le pari de l’intelligence du vivant par la transmission du colostrum et de mon lait. La pédiatre a fait un faux certificat de vaccination. A la crèche de Bondy, il a été le seul enfant des 70 qui la fréquentaient à ne pas tomber malade. La bronchiolite a glissé sur lui sans même que les puéricultrices s’en aperçoivent.

Non, la raison d’Etat ne me soumettra pas. La raison d’Etat ne me contraindra pas à aller vers cet acte qui révulse ma conscience. L’urgence électorale, la négation du corps, l’annihilation de toute pensée critique, la mort politico-scientifique de médecins de renoms voués aux gémonies, ces publicités ignobles qui galvaudent la citoyenneté, qui inoculent la peur jusque dans l’esprit d’enfants que l’on rend responsables de la mort potentielle des Anciens. Je lis Annah Arendt qui me rappelle que « ne pas penser est dangereux, mais ne pas réfléchir est plus dangereux encore ». J’écoute les podcasts lumineux de Didier Fassin sur les épidémies et cela me conforte : « Le fait que la pensée conspirationniste intègre une dimension critique n’implique pas qu’à l’inverse la pensée critique puisse être vue comme conspirationniste. Brouiller la frontière entre les deux, c’est vouloir disqualifier toute tentative de questionnement de l’ordre des choses ». Quel soulagement, j’ai encore le droit de penser et de réfléchir autrement ! J’ai le droit de questionner cette bouillie sanitaire du vide et de la peur, j’ai le droit de questionner ce projet pharmaco-politique inédit par son ampleur et j’ai le droit de ne pas y adhérer avec ma conscience d’humaine, de citoyenne, de mère, d’enseignante.

Refus de bienveillance ; refus de penser ; refus de soigner

J’ai besoin de parler, d’échanger, de comprendre ce que nous vivons collectivement et non pas d’absorber et d’obtempérer. « Ah non, on ne va pas parler de « ça » ! », « de toute façon il faut bien sortir de cette crise », « on doit bien être solidaires des Anciens », « je me fais vacciner pour protéger mon père, et toi tu as pris rendez-vous ? ». Protéger ? Mais qui ? Ceux que l’on a laissé mourir dans des Ephads, loin du regard, de l’amour et de la compassion de leurs proches ? Soyons solidaires, oui, mais avec l’intelligence du cœur, dans la pondération entre l’humain, la morale, la science, la raison du vivant et non pas dans cette arrogance cynique, cet orgueil politique boursouflé qui nous explique doctement qu’un faux vaccin va éradiquer ce virus. Comme si nous pouvions lutter contre le vivant, alors même que des médecins ont été sommés de ne pas soigner, sommés de parjurer leur serment.

Depuis septembre 2021, je souffre à nouveau d’une aponévrose de la voûte plantaire et l’infection qui a failli m’emporter en 2015 est là tapie dans l’ombre. Mon médecin pré-pandémie, m’a bien dit : « marchez dans l’eau, faites des mouvements dans l’eau, 2-3 fois par semaine ! » et lors d’une discussion de routine, en avril 2020 à l’issue de mon 1er Covid, à la question « que me conseillez-vous en cas de découverte vaccinale ? », « Ah non, pas pour vous madame Sebaï, non, vous, compte tenu de vos antécédents, vous feriez plutôt partie des personnes à risques en cas de vaccination, on n’aura pas assez de recul si on met un vaccin en circulation d’ici 2021 ». Septembre 2021, même médecin : « Faites-vous vacciner pour votre bien être, madame Sebaï, vous pourrez retourner à la piscine ». Refus de l’exemption vaccinale ; refus de piscine ; refus d’humanité ; refus de bienveillance ; refus de penser ; refus de soigner.

Il est clair pour moi que la volonté de nuire est assumée

Un matin de janvier 2022, mon fils me dit en rigolant : « Macron emmerde les non-vaccinés ». Je n’y crois pas. Sur son insistance, je cherche, trouve et lis atterrée et scandalisée ces mots écœurants de bêtises politicardes et électoralistes. Voilà, plus de doutes maintenant, c’est officiel, cet ersatz de président tombe le masque et étale la fin de la pensée. Il est clair pour moi que la volonté de nuire est assumée. Ah c’est vrai, aucune personne morale ne peut être poursuivie en cas de déclenchement d’effets secondaires, ni les laboratoires, ni l’Etat, ni le médecin, ni le pharmacien. On ne peut pas non plus être pris en charge par la sécurité sociale puisque ces faux vaccins sont encore expérimentaux. Je suis donc amenée à me sonder moi-même. Qui suis-je dans cet amas de contre – pensées totalitaires ? L’adolescente qui a peur de la police dictatoriale tunisienne, la tunisienne qui vit en France sous Chirac dans la peur d’être renvoyée en Tunisie, la citoyenne française, jeune mère qui trop heureuse d’être enfin reconnue comme binationale fait profil bas ? Cette période m’aura libérée des diktats d’un autre temps. Je suis une humaine pensante ancrée dans une pensée vivante, critique, intuitive et rationnelle et profondément subjective qui fait l’expérience de sa souveraineté intérieure.

Puis c’est décembre 2021 : je ne suis plus seule. J’ai eu vent d’un groupe de personnes qui se réunit dans la forêt de Saint Germain. Mon imaginaire s’emballe, des Robins de Bois, des Résistants, mon cœur se met à battre. Je ne suis pas seule, d’autres que moi se posent des questions, s’abandonnent à la confiance dans leurs systèmes immunitaires. J’ai vécu cette découverte, bien avant les rencontres tangibles, comme un moment de grâce, une forme de reconnaissance béate, simple et naïve, comme un bonheur lent qui s’installe. Et puis c’est la rencontre joyeuse, enthousiaste, pleine de vie, de chants et de mouvement. Non, ils ne sont pas tous habillés en vert, mais ils sont comme moi, confiants dans la vie et dans la force du vivant. Résistants et courageux, oui, car il faut du courage pour supporter l’ostracisme d’Etat, l’ostracisme social, l’exclusion de toute forme de pensée bienveillante au prétexte d’une fausse loi de protection sanitaire.

J’ai expérimenté et éprouvé mon humanité indéfectible dans des liens authentiques avec de parfaits inconnus grâce au fil rouge de valeurs universelles fortes

Dans ces rencontres, ces itinéraires, ces expériences que nous partageons, je prends conscience de ce que cette période d’exclusion m’a apportée. Une boussole intérieure, une stabilité, un ancrage et une confiance sans borne dans l’humaine critique que je suis. Il n’y a plus de colère, un peu de tristesse tout de même, mais il y a surtout de la lumière, une lumière partagée et vibrante de valeurs communes.

Mars 2021. Le lendemain de la suspension du passe vaccinal, j’ai vécu un moment de grande connexion en mon for intérieur. J’entre dans un café dont le patron m’a virée en octobre 2021 car sans passe sanitaire. Longtemps je me suis demandée ce que je ferai, si j’allais y retourner, si j’allais avoir la force d’aller m’asseoir dans ce lieu qui me connait depuis que j’ai 20 ans et qui m’a sacrifiée sur l’autel du QR code. Ma force aujourd’hui, je la reconnais, je l’honore, je la bichonne, je la retrouve lorsque je suis aux rencontres Apéros Saint Germain. J’y suis retournée dans ce bar. Le regard du patron mi-figue mi-raisin, à la fois honteux et mal à l’aise. Quelques mots …  « Tu sais on ne pouvait pas faire autre… », je lui coupe la parole et commande un déca avec bienveillance. J’ai pensé aux patrons de bar dénoncés pour ne pas avoir cédé, j’ai pensé aux personnes qui « ont continué à vivre », à la bienveillance, à la clarté dans les valeurs humaines et j’ai bu mon déca tranquillement en lisant les posts du groupe Apéro-Saint Germain. Et j’ai pensé « dommage, quelle magnifique occasion ce patron de bar a manqué de découvrir la force intérieure, la solidarité, l’humanité » … puis je me suis rappelée la peur, leur peur, d’où vient-elle et pourquoi je n’ai pas eu peur, moi, de continuer à vivre « normalement » pendant tout ce temps ? Pourquoi ai-je continué à embrasser mon fils, mes parents âgés, à sortir sans masque ? A laisser ma porte ouverte ? Pourquoi ai-je été scandalisée des atteintes à ma responsabilité de parent ? Pourquoi ai-je été atterrée à chaque fois que j’entendais l’humanité s’enfoncer plus loin dans la bêtise et l’absence de sens ? Pourquoi ai-je pleuré de mon exclusion de l’Agora POP la COOP dans laquelle je suis « à égalité » avec tous les coopérateurs ? D’où m’est venue cette conscience de ce qui est absolument bon pour moi ? D’où m’est venue cette conscience de ce qui est simplement intolérable ?

J’ai ma petite idée. Au fond, après les colères bibliques, l’incompréhension, les larmes, j’ai appris que rien n’avait plus d’importance que ma boussole intérieure et ma bienveillance. Je suis terriblement désolée pour ceux qui ont peur, ceux qui ont exclu, ceux qui ont contrôlé des passes sanitaires puis vaccinaux, ceux qui ont incité à la vaccination des indécis, ceux qui sont devenus de petits chefs sans boussole. Je me sens solidaire de ceux qui se sont fait vacciner par contrainte. Pendant cette période, au plus profond du puits de questionnement dans lequel je me glissais chaque matin à l’écoute des nouvelles, j’ai été soutenue, respectée, écoutée par des infirmières et des médecins qui ont soigné mes proches, j’ai découvert et approfondi des liens tissés avec des femmes, des hommes qui veulent du bien à l’humanité. J’ai expérimenté et éprouvé mon humanité indéfectible dans des liens authentiques avec de parfaits inconnus grâce au fil rouge de valeurs universelles fortes qui ne sont pas que quelques idées jetées sur un bout de papier au sortir de la deuxième guerre mondiale.

Aujourd’hui je me sens confortée et reconnaissante car finalement j’ai rencontré des êtres grâce à ma boussole intérieure et même si je peux à nouveau aller au café, je préfère de loin le vin des apéros St Germain. Et c’est dans cette humanité que ce groupe d’imperturbables a créée que je me retrouve et me reconnais et dans laquelle j’ai à cœur d’être et de me développer.

Tchin tchin !

Meriem Sebaï
(Covid 19 en avril, juin 2020 ; octobre 2020 ; testée négative d’octobre 2020 à janvier 2022)

Illustration : Ismail Shammout (1930-2006), « Pigeons voyageurs », 1994, peinture à l’huile sur toile, 80×100,5.

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