« J’ai découvert le pouvoir fécond de penser et de chercher par soi-même »

Antoine est technicien dans l’industrie et père de famille. Il se confie sur ce qui l’a amené à réagir aux « mesures anti-covid », à devenir critique et à s’engager dans des actions de réinformation, notamment pour protéger les enfants, dans un monde devenu subitement hostile et maltraitant.

Comment en es-tu arrivé là ?

C’est assez difficile de répondre à cette question, de reconstituer les étapes d’une évolution qui a été progressive et m’a beaucoup marqué. Je m’intéressais alors pas mal à la politique, cela allait des questions idéologiques à la tambouille politicienne, et j’étais un consommateur de médias « classiques », critique mais sans plus (malgré l’aiguillon de mon entourage, j’y reviendrai). Sans doute ou même sûrement, développais-je aussi le syndrome du bon élève… Je pense donc rétrospectivement, que j’étais assez mal préparé à ce qui est advenu en 2020-2021.

Deux éléments m’ont aidé à ouvrir (progressivement) les yeux. D’abord une forme de détachement ou de recul dans le contexte anxiogène du premier semestre 2020. Je veux dire que, même si une redoutable catastrophe était censée se dérouler (rendant entre autres la constitution de stocks de papier toilette impérieuse…), et nous concerner (nous menacer) tous, elle ne m’affectait guère voire pas du tout. J’étais fermement décidé à continuer à vivre le plus normalement possible, et même à tirer parti de la situation, en profitant d’un air (et d’un ciel !) plus pur, de déplacements plus aisés, et de davantage de temps pour pratiquer du sport… Je me souviens qu’au tout début de la grande réclusion, nous jouions dehors avec mes enfants, et qu’un excité nous avait pris à partie depuis sa fenêtre en nous enjoignant de respecter le « confinage » (sic). Con-finé, con-fini. Deux ou trois autres petits faits (dont les fameux stocks…) m’avaient alerté ; ça semblait débloquer pas mal dans certaines têtes. De mon côté, je ne ressentais pas cette peur, pour moi ou pour mes proches, et cette obsession autour du virus, qui semblaient gangrener les relations sociales.

La seconde chose, c’est le bon sens. Sans être défiant, j’avais le sentiment que quelque chose clochait dans le discours et les directives officielles (ce qui, pour beaucoup, je l’ai constaté ensuite, était loin d’être une révélation…). Cloîtrer les gens et donc les empêcher « en même temps » de profiter des « grands espaces » (forêts, plages) ne me semblait pas obéir à une logique implacable pour ralentir la propagation d’un virus. Je ne comprenais pas non plus le principe de l’auto-attestation, je trouvais cela contraignant pour ne pas dire autre chose (valait-il mieux se munir de plusieurs documents avec différents horodatages, de formulaires vierges et d’un stylo, repasser à la maison ?). Sans être juriste, je trouvais aussi que le mauvais sort réservé aux libertés publiques, à commencer par la plus basique d’entre elles, celle d’aller et venir, était fort douteux. Des juridictions si sourcilleuses en temps normal semblaient anesthésiées, les belles âmes promptes à défendre nos libertééés, silencieuses.

La situation des enfants, à commencer par les miens, scolarisés à l’école primaire, me paraissait grave. Soumis à des rituels absurdes, à d’authentiques brimades, que je ne m’expliquais pas. Et bien rares étaient ceux qui semblaient s’en soucier. L’égoïsme régnait, et il était de plus en plus puant.

A posteriori, il me semble avoir repéré (en grande partie inconsciemment) des signes avant-coureurs aberrants de phobie et de fétichisme (les gestes magiques, le gel, puis le masque et le vaccin), que la suite des événements se chargeraient de confirmer et même, logiquement, d’amplifier. Une tendance nauséabonde à désigner des boucs-émissaires : les fêtards, je m’en souviens, les jeunes, de manière plus générale et, bien sûr, les personnes non vaccinées, plus tard.

Comme pour beaucoup, le discours du 12 juillet, a été un catalyseur et le signal d’une révolte. C’est alors que j’ai trouvé ma locomotive, celle qui à mes côtés, discrètement, avait de longue date tout détecté. Qui s’informait « autrement », qui analysait les retorses manœuvres avec sagacité. Celle qui m’avait tendu quelques perches que je n’avais su saisir (sans ménagement parfois…). Celle qui allait alors m’ouvrir sur un monde ignoré, me déciller et me décider à (ré)agir.

Nous sommes donc allés ensemble, avec nos enfants (entraînés là dans le grand bain de la politique à leur corps défendant), à la première manifestation contre le détestable et inique « pass ». Au pied de la cathédrale, nous étions (enfin) à notre juste place, côte à côte, au milieu de milliers de personnes à la fois incrédules et irréductibles, gens du cru, touristes, tous révoltés et déterminés, et beaux. Ce combat s’est poursuivi, à La Rochelle, Paris, dans la Boucle… J’y mettais peut-être le zèle du converti, sans m’en rendre compte.

Puis, tant de rencontres m’ont porté. De personnes sincères, intelligentes, intéressantes, altruistes, indépendantes, et belles. Le contraste avec les zombies du quotidien donnait espoir, mais faisait mal aussi. Comment s’y prendre pour « éveiller », faire entendre, juste discuter ? Dans les rues, sur la si bourgeoise place du marché (musique, chansons et paroles), devant la médiathèque locale (où résonnèrent les mots de Günther Anders, une découverte !), les écoles, dans le RER (rythmes entraînants), pour nos enfants, pour nos concitoyens ; nos slogans, nos pancartes, nos incantations, nos discours se heurtaient la plupart du temps à l’indifférence ou au mépris apparent. Ponctués de quelques échanges houleux parfois.

Où en es-tu aujourd’hui ?

Pas encore vraiment à ma place, et « aligné », mais sur mon chemin.

Avec l’impression d’être sorti de la léthargie, de pouvoir tenir à distance la croyance (terme qu’on nous oppose parfois, bêtement) et la soumission.

Ayant pris le chemin opposé. Dont on dit qu’il pourrait être celui de la vérité ou de sa quête au moins, renonçant à celui du confort et des certitudes illusoires. Y avoir découvert le pouvoir fécond de penser et de chercher par soi-même, loin des gourous, des pouvoirs si raisonnablement déments et des injonctions. Dans beaucoup de directions, captivantes et exigeantes. La philosophie, la psychologie sociale, les médecines alternatives et d’autres pratiques marginalisées.

Mais aussi le pouvoir de se (re)construire et de construire, comme à travers cette revue.

Aujourd’hui, je ressens une immense gratitude, d’abord vis-à-vis de celle qui se reconnaîtra, et de ces nombreux compagnons, devenus pour certains (surtout certaines d’ailleurs, tant les femmes ont éclaboussé de leur lucidité et de leur abnégation cette période) des ami(e)s. Je reste admiratif de leur flamme, de leur énergie, de leur force. Et étonné du contraste avec la pâleur et l’avachissement tout autour !

Reconnaissant de pouvoir cultiver tout à la fois mon être intérieur et un rapport aux autres plus serein et respectueux.

Confiant. Défiant.

Plus lucide j’espère. Moins rabougri. Peut-être résilient.

Fraternel, mais (encore) à l’évidence plus avec les uns que les autres… Adepte du « ni oubli, ni pardon », car il y a un paquet de saloperies qui auront du mal à passer.

Mais heureux, malgré tout. Heureux de pouvoir témoigner que nous n’avons été ni écrasés, ni soumis, que nous avons puisé notre force en nous, en nous tous, et dans cette belle et précieuse notion, que d’aucuns s’échinent à galvauder, de souveraineté. Personnelle et politique.

Et pour finir, dans le tumulte de ce monde malade, ayant le désir forcené de protéger nos enfants.

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