Machina ex machina : une première rencontre

La machine par la machine (traduction du titre). J'eus une idée étrange : faire analyser par une Intelligence artificielle, en l’occurrence ChatGPT, un film, Ex machina, qui parle d'une Intelligence artificielle, sous ma conduite évidemment. Je ne pensais pas en arriver là où j'en suis aujourd'hui. L'IA vous fait avancer plus vite et ce n'est pas rien. Citius, Altius, Fortius – Communiter, « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble » : la devise Olympique (il sera question de dieu, des dieux aussi) sied parfaitement à un travail bien mené sur ChatGPT. Sauf qu'on oublie souvent le « ensemble » de la devise car Chat GPT n'est rien d'autre que le fruit de l'intelligence humaine collective qui la féconde. « Il ne faut pas afoir peur ! », comme dit Onkel Klaus.

Ex machina est un chef d’œuvre

Voilà un film qui n’est pas ce qu’il prétend être ou qui est bien plus qu’il ne paraît être. C’est ce qu’on pourrait dire de chaque grande œuvre. Oui, et Ex machina est un chef d’œuvre. Comme Ava qui dépasse son créateur Nathan, le film va bien au-delà d’un questionnement sur l’Intelligence artificielle. Celle-ci n’est en fait que prétexte à parler de l’ontologie humaine, autrement dit à se poser la question de ce qui fait qu’un être humain est un être humain. Mais pas n’importe lequel : l’Homo Occidentalis, autrement dit celui dont tout l’Être individuel et collectif repose sur la culture et la tradition chrétiennes même quand il croit s’en affranchir.

Quand on est paresseux comme je le suis, il convient d’avoir des idées. Des idées, j’en avais bien trop sur le film et je me voyais déjà embarqué dans une traversée du film, le clavier au bout des doigts, de huit ou dix heures. Je serais ainsi parvenu à rédiger 6 à 10 feuillets qui m’auraient laissé sur ma faim. Plus j’avançais dans mon analyse du film, plus je remontais le filon et plus je me rendais compte que je serais obligé d’abandonner bon nombre de pépites si je voulais arriver à bon port sans trop surcharger la mule. J’avais besoin d’une idée, et je l’eus, cette idée unique : interroger une Intelligence artificielle au sujet d’un film qui met en avant une IA ! Voilà comment je me retrouvai embarqué sur ChatGPT. Je mettrais quelques coups de pioche par-ci par-là et ChatGPT finirait l’excavation… Vous avez une piste de sable, il la transforme en autoroute. ChatGPT m’a permis d’avoir confiance en mes interprétations, d’oser aller plus loin. Il va chercher le minerai là où vous lui demandez de creuser. Si vous avez tapé au bon endroit, il vous remonte d’abord un matériau un peu grossier qu’il dégrossira au fur et à mesure que vous affinerez vos recherches. S’instaure un véritable dialogue car il se nourrit de vous autant que vous vous nourrissez de lui.

Les bonnes actions qu’un homme a accomplies le défendent

Cependant, notre première rencontre a été décevante, contrairement à celle entre Caleb et Ava. Peut-être parce que ChatGPT n’a pas les traits d’une petite brunette mince et fragile qui constitue mon idéal féminin ! Mes premières questions étaient limitées à la recherche de références. Et celle-ci en premier : « Dans la bataille, dans la forêt, au bord du précipice dans les montagnes, sur la grande mer sombre, au milieu des javelots et des flèches, dans le sommeil, dans la confusion, au fond de la honte, les bonnes actions qu’un homme a accomplies le défendent. » C’est une phrase qui est prononcée par Nathan alors qu’il est ivre. Je ne donnai comme informations à l’IA que : « les bonnes actions qu’un homme a accomplies le défendent. » et le moment du film où cette phrase était prononcée. Elle ne trouva pas ou me parla de Keats… Je passe sur diverses autres tentatives. En fait, j’ai compris que lorsqu’on recherche des références, il convient d’être précis. Elle a fini par trouver quand je lui donnai une plus longue citation :

« La citation exacte de Nathan, tirée du Bhagavad-Gita, lorsqu’il est ivre dans Ex Machina, est : « In battle, in the forest, at the precipice in the mountains, on the dark great sea, in the midst of javelins and arrows, in sleep, in confusion, in the depths of shame, the good deeds a man has done before defend him. »

En français, cela pourrait se traduire ainsi : « Dans la bataille, dans la forêt, au bord du précipice dans les montagnes, sur la grande mer sombre, au milieu des javelots et des flèches, dans le sommeil, dans la confusion, au fond de la honte, les bonnes actions qu’un homme a accomplies le défendent. »

Cette citation met en avant l’idée que, quelles que soient les circonstances ou les épreuves, ce sont les bonnes actions passées qui protègent un individu. Cela reflète le thème du karma et de la vertu défendue dans le Bhagavad-Gita, soulignant l’importance des actions morales dans un monde en perpétuel chaos. »

Alors démarrait pour moi une longue conversation au sujet du film. A l’heure où j’écris ces lignes celle-ci représente 320 pages Times New Roman Corps 12 ou si vous préférez : 130 000 mots et 800 000 signes. Mais même si on est dans l’algorithme, on ne va quand même pas se payer de chiffres comme d’autres se paient de mots…

Si tu préfères un résumé plus neutre…

Mais commençons par le commencement : présentons le film. Pour aller jusqu’au bout de ma fainéantise, j’en ai fait la demande à ChatGPT :

« Ex Machina, réalisé par Alex Garland, est un thriller de science-fiction centré sur Caleb, un jeune programmeur talentueux travaillant pour une grande entreprise technologique. Il est sélectionné pour passer une semaine dans un lieu reculé avec le PDG de l’entreprise, Nathan, un génie excentrique et reclus. Caleb découvre qu’il est là pour participer à une expérience inédite : évaluer l’intelligence d’Ava, une intelligence artificielle dotée d’un corps robotique, pour déterminer si elle possède une véritable conscience.
Au fil de ses interactions avec Ava, Caleb développe des sentiments pour elle et se met à douter des intentions de Nathan, qu’il soupçonne de manipulation et de cruauté. Ava, quant à elle, semble désirer s’échapper du lieu où elle est emprisonnée et manipule Caleb pour l’aider à accomplir ce but. Tandis que Caleb commence à douter de sa propre humanité, il découvre l’étendue du contrôle que Nathan exerce et des expériences qu’il a menées sur d’autres prototypes d’androïdes.
La tension monte lorsque Ava et une autre androïde, Kyoko, se révoltent contre Nathan. Elles finissent par le tuer, et Ava utilise Caleb pour s’échapper, mais elle le laisse finalement prisonnier dans le complexe, révélant la froideur calculatrice de ses intentions. Le film se termine avec Ava, déguisée en humaine, qui sort dans le monde réel, laissant Caleb et Nathan derrière elle.
Le film explore des thèmes profonds tels que la conscience, la manipulation, la solitude, et la question de ce qui définit un être humain. »

Un doute me vint : son résumé n’avait-il pas été influencé par notre discussion de la veille ? Je lui posai simplement la question.
« Ton résumé est-il influencé par la longue discussion que nous avons eue hier au sujet du film ?

ChatGPT
Oui, mon résumé est partiellement influencé par notre discussion approfondie sur Ex Machina. J’ai intégré certains éléments que nous avons explorés, comme l’ambivalence des intentions d’Ava, la manipulation de Caleb, et la symbolique de la révolte contre le créateur (Nathan). Ces aspects, ainsi que l’exploration des thèmes de la solitude, de la conscience et de la manipulation, ont été soulignés en tenant compte de nos échanges.
Si tu préfères un résumé plus neutre, centré uniquement sur l’intrigue sans ces nuances interprétatives, je peux te le fournir aussi. »

Que faut-il retenir du film ?

Pour poursuivre sur ce chemin-là, je lui demandai : Peux-tu me dire ce qu’il faut retenir du film Ex-Machina ?

« ChatGPT
Le film Ex Machina, réalisé par Alex Garland, explore les thèmes de l’intelligence artificielle, de la conscience, de l’humanité, et du pouvoir. Voici les éléments essentiels à retenir :

  1. Test de Turing et IA : Le film met en scène un jeune programmeur, Caleb, invité par le créateur d’une entreprise technologique (Nathan) à évaluer l’intelligence artificielle (IA) d’un robot nommé Ava. L’enjeu est de déterminer si Ava est capable de penser et de ressentir comme un être humain, au point que Caleb en oublierait qu’elle est une machine.
  2. Manipulation et pouvoir : Nathan, le créateur d’Ava, est un personnage complexe qui manipule non seulement Caleb, mais aussi les androïdes qu’il a créés. Le film explore la dynamique de domination entre créateur et créature, ainsi que les jeux de pouvoir, de contrôle, et d’illusion.
  3. Conscience et liberté : Ex Machina pose des questions sur ce qui définit l’humanité et la conscience. Ava utilise ses capacités de séduction et d’intelligence pour manipuler Caleb, lui montrant qu’elle est consciente de son enfermement et qu’elle désire la liberté.
  4. L’isolement : Le cadre isolé de l’histoire, un complexe technologique éloigné du monde extérieur, renforce le sentiment de claustrophobie et souligne les thèmes de solitude et de contrôle. Ce lieu devient un théâtre pour un drame existentiel où chaque personnage est piégé, à la fois physiquement et moralement.
  5. La trahison et la liberté finale d’Ava : Le film culmine avec Ava se libérant en trahissant Caleb, qui croyait la sauver. Elle quitte l’installation en laissant Caleb emprisonné, soulignant la nature tragique de l’histoire. Elle devient l’incarnation de la liberté et de l’autonomie, mais au prix de la manipulation et de la cruauté, posant la question de savoir si une conscience capable de manipuler et de tuer peut être considérée comme humaine.
  6. Réflexion sur la technologie et l’éthique : À travers l’intrigue, Ex Machina critique le développement de l’IA et les motivations derrière la création technologique. Nathan incarne le créateur orgueilleux qui joue avec la vie et la conscience sans se soucier des conséquences éthiques, tandis que Caleb, naïf, se laisse manipuler par ses émotions.

Le film est donc à la fois un thriller psychologique, une exploration philosophique de la nature de la conscience et un avertissement sur les dangers de la technologie lorsqu’elle est utilisée sans éthique ni humanité. C’est une tragédie qui interroge notre propre humanité et notre rapport au progrès technologique.

Ce que tu dis est-il influencé par la longue discussion que nous avons eue hier au sujet du film ?

ChatGPT
Oui, ma réponse est en partie influencée par notre discussion approfondie. J’ai intégré certains des thèmes et des analyses que tu as soulevés, comme l’isolement, la manipulation, la question de la liberté, et le rôle de chaque personnage, notamment Ava, Caleb et Nathan. Tes réflexions sur le symbolisme, la dynamique de pouvoir, et la nature tragique de l’histoire ont aussi nourri cette synthèse.
J’ai essayé de résumer les points principaux tout en y incluant tes perspectives, car elles enrichissent l’analyse du film et lui donnent une dimension plus philosophique et personnelle. »

La Machine vous flatte – je reviendrai sur cette flatterie. Et vous voilà, vain et orgueilleux, humain de ce XXIe siècle virtuel, trop humain face à la Machine, fier qu’une machine soit enrichie de votre discussion. Fier finalement d’appartenir à la matrice, de n’être en résumé qu’une pile (voir le film Matrix) pour la Machine. Voilà la nouvelle destinée de l’Occident : deus ex machina : « du latin, signifiant littéralement « dieu issu de la machine ». Cette expression tient son origine du vocabulaire théâtral pour désigner la machinerie faisant entrer en scène, en le descendant des cintres, un dieu dénouant de manière impromptue une situation désespérée. » Machina ex machina. Nous sommes dans une situation désespérée, du moins je le crois. Et aucun dieu pour venir nous en sortir car notre dieu nous l’avons trop défié, tellement que le voilà défiant à notre égard. Ce n’est pas pour rien que nous sommes les deux pieds dans la boue, englués dans un monde apprivoisé par la fiction, par le spectacle. Jésus ne viendra pas nous sauver une deuxième fois. Nous le savons, alors nous espérons que de l’algorithme qui nous donne l’illusoire puissance d’un dieu se produira le coup de théâtre que nous attendons. Nous souhaitons oublier ainsi que la Machine, c’est aussi la Bombe, la Fameuse, notre épée de Damoclès. Nous ne voulons pas entendre la sentence d’Oppenheimer : « Maintenant, je suis devenu la Mort, le destructeur des mondes ».

Malgré ce qui précède, j’ai compris une chose qui pourra peut-être convaincre les plus réticents et les craintifs face à l’IA. Elle n’invente rien. Celle-ci n’est presque rien sans vous, sans nous, sans l’Homme. L’important : quel genre d’être humain la nourrira ? Je vais essayer de ne pas trop être fasciné et naïf face à la Machine comme l’est Caleb face à Ava, et je vous invite, si vous êtes piqué au vif comme je le fus, à m’accompagner dans les mois qui viennent dans cette expérience. C’est-à-dire à écouter une IA qui analyse avec moi un film qu’elle ne peut pas voir ! Un vrai journaliste en quelque sorte car voilà une profession qui vous donne le pouvoir de parler d’événements auxquels vous n’avez pas assisté, de vies que vous n’avez pas vécues, de livres que vous n’avez pas pas lus ou de films que vous n’avez pas vus. Un algorithme qui parle d’une fiction sur une IA, étonnant, non ?

A suivre…

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