Le Covid en prison
Je travaillais en détention et, à la Maison d’arrêt, l’ambiance était électrique la semaine précédent le confinement. Les détenus se sentaient en danger, ils avaient peur, et le pire pour eux, c’est que le danger venait des personnes qui entraient dans la détention, donc des personnes libres, qui risquaient de les contaminer. Une double peine pour eux. Travailler avec eux devenait impossible dans ces conditions. Cela les rendait hystériques. Quelques semaines avant le confinement, je commençais à voir des personnes masquées, avec des masques en tissu, bricolés à la va-comme-je-te-pousse. Je me suis dit : les Français n’accepteront jamais de se soumettre à un port obligatoire et systématique, nous avons eu la Seconde Guerre mondiale, la Résistance… bref, je me trompais sur toute la ligne.
Maintenir le vivant en nous
Le confinement est arrivé à point pour mettre un terme à une période de grand stress et de surcharge pour moi. Le jour du confinement, ma mère rentrait d’une hospitalisation de trois mois, autant dire que rien n’était simple à organiser, et en même temps, cela me donnait de bonnes raisons de n’en faire qu’à ma tête.
Je me souviens de quelques pensées :
Surtout, ne pas suivre les instructions, elles ne peuvent pas être bonnes, venant d’un gouvernement en lequel je n’avais aucune confiance.
Donc, sortir a minima une fois par jour, la base pour maintenir la santé physique et psychique.
Faire ce que je veux, à rebours des instructions officielles qui manquaient de bon sens.
Voyager pendant les confinements, maintenir les lieux humains, faire tout ce qui soutient le vivant en nous.
Garder mon libre arbitre et passer tout au crible de mon avis personnel, de mon ressenti intime.
La nécessaire présence de l’Autre
Ma fille a décidé de se confiner avec moi trois semaines, elle a ensuite rejoint le nord de la France pour « raisons professionnelles » inventées. Nous avons mis beaucoup d’intelligence à contourner les règles inhumaines qui nous étaient imposées.
Une de ses premières actions a été d’aller acheter des Bic effaçables. Je ne connaissais pas ce type de stylo, mais quel bonheur de changer les horaires des attestations !
Je ne peux pas dire que j’avais peur. J’étais plutôt en alerte et très méfiante par rapport aux discours officiels, et décidée à tout faire pour préserver ma santé et celle de mes proches, avec des moyens naturels comme je l’ai toujours fait. Rien ne me semblait aller dans le bon sens, ni avoir de logique : supprimer des RER créait d’autant plus de promiscuité, réduire les horaires d’ouverture des magasins aussi, les files d’attentes créaient du stress, néfaste à la santé et favorisant la contagion, etc. Et puis ces peurs créées et entretenues par nos instances officielles venaient tellement nous percuter qu’il fallait à tout prix se protéger, se renforcer.
Malgré mes efforts, l’angoisse m’a progressivement rejointe, et je ne m’en suis sortie qu’avec le soutien d’autres humains, les rencontres, les relations nourries et entretenues avec soin.